Techniques de manipulation psychologique pour acheter et vendre

Les techniques de manipulation psychologique pour acheter et vendre sont multiples. Anticiper les situations de négociation permettra au vendeur de mieux gérer trois astuces classiques de l’acheteur : la flatterie, les jeux de pouvoir, et le redoutable ultimatum. Les quelques exemples ci-après sont issus de situations réelles personnellement constatées dans ma prime carrière en management de forces de vente. Pour les besoins de l’article, le service commercialisé a été transposé à l’univers de la formation professionnelle.

-1- La flatterie : l’acheteur flatte le vendeur pour lui faire lâcher des concessions.

L’acheteur, en s’adressant au vendeur, va utiliser des phrases telles que : « Vous disposez d’une grande influence » ou encore « On a le sentiment que votre Direction ne va pas souvent en clientèle« .

-2- Les jeux de pouvoir : la réclamation en introduction, l’auto-valorisation, l’approche stratégique (le « saucissonnage » et la « revente d’avantage »), l’objection du prix, le silence.

  • La réclamation en introduction : l’acheteur débute la négociation par une réclamation, de manière à faire naître chez le vendeur un sentiment de culpabilité. La parade du vendeur consistera à rappeler au client les moments où on l’a aidé.

 

  • L’auto-valorisation : l’acheteur souligne sa propre importance et sa capacité d’achat. Il laisse en outre entrevoir des perspectives d’avenir très intéressantes. Sa phrase commencera souvent par « si », et sera conjuguée à l’imparfait : « Et si je vous commandais 50 jours de formation, au lieu de 5, ça serait quel tarif ? » ou au conditionnel : « Je vous en prendrais bien 50…« . Le vendeur devra « valider » la supposition, par exemple en retournant une question : « Et ces 50 jours, vous les souhaitez à quelle période, précisément ? » (en employant la conjugaison au « présent », pour essayer de mettre en défaut l’acheteur).

 

  • L’approche stratégique avec deux méthodes couramment employées, généralement en fin de négociation, lorsque l’affaire semble faite : le « saucissonnage » et la « revente d’avantage ».
    • Le saucissonnage consiste tout simplement pour l’acheteur à réclamer au vendeur une seule chose à la fois, comme le font d’ailleurs souvent les adolescents avec leurs parents, au lieu de tout demander d’un seul coup, ce qui exposerait l’acheteur au refus clair et net du vendeur.

Exemple : « Vous prenez en charge la documentation pédagogique ? « (réponse)…. « Vous vous occupez de trouver la salle de formation ?  » (réponse)…. « Et il y aura trois stagiaires supplémentaires, pas de souci ? « (réponse)…. etc.

    • La revente d’avantage est, quant à elle, plus subtile : l’acheteur réclame finalement au vendeur une remise qui correspond au tarif d’un élément « secondaire » du prix de vente, qu’il a obtenu gratuitement, mais dont il savait par avance qu’il n’en aurait pas l’utilité.

Exemple : l’acheteur demande assez négligemment : « Dites-moi, pour notre première affaire ensemble, vous allez bien fournir gratuitement une clé USB à chaque stagiaire, contenant la documentation, les videos et les exercices pédagogiques ?« . La vendeur, tout à son affaire, y consent volontiers, d’autant que l’avantage accordé lui apparaît mineur.

Le client remercie vivement le vendeur et ajoute, l’air de rien : « Elles vous reviennent à combien, ces clés USB ? Que je sache, pour en tenir compte dans nos prochaines commandes…« . Le vendeur pense alors à ces futures commandes, et répond généralement en « gonflant » un peu le coût de l’avantage : « Oh, une clé USB comme vous le souhaitez revient à 20 euros par stagiaire« . Puis, de retour à la réalité, le vendeur questionne : « A propos, vous souhaitez une couleur particulière, pour ces clés USB ?« . Et l’acheteur de rétorquer : « Et bien, étant donné que nous disposons d’un Intranet, les contenus pédagogiques en question y seront déposés, et les stagiaires iront les télécharger. A la place des quinze clés prévues, vous me ferez une remise de 300 euros HT sur facture« . Morale de cette histoire : vérifiez toujours le fondement d’une demande avant d’y répondre.

 

  • L’objection du prix : « Vous êtes trop cher ! » La technique pour « isoler l’objection« .

Prenons l’exemple d’une conversation entre un acheteur et un vendeur :

L’acheteur : « Vous êtes trop cher !« 

Le vendeur : « A part le prix, y a-t-il autre chose ? » (Cette technique vise à « isoler l’objection« , c’est-à-dire vérifier avant toute autre chose qu’il s’agit bien de l’unique problème).

L’acheteur, qui confirme que le prix est la seule composante qui pose souci, se verra répondre par le vendeur : « Que préférez-vous que je supprime dans ma prestation pour correspondre à votre tarif ?« 

L’acheteur est étonné, et le vendeur termine en disant : « Vous comprenez, vous avez toujours payé le juste prix« . En effet, une remise accordée signifierait dans l’esprit de l’acheteur d’avoir payé trop cher le produit ou le service toutes les fois précédentes…

  • Le silence. Une règle d’or : ne rompez jamais en premier un silence lourd.

Il est possible qu’en fin de négociation, la phase de conclusion ne vienne pas naturellement. L’acheteur ou le vendeur peut alors être amené à dire : « Bon ! Qu’est-ce qu’on fait ?« 

Souvenez-vous simplement que le premier des deux qui répondra à cette question cruciale, quel qu’en soit l’émetteur, « aura perdu », c’est-à-dire « lâchera du lest ». La nature ayant horreur du vide, un être humain mal préparé à la négociation ou à la gestion des conflits supportera difficilement plusieurs secondes d’un silence pesant, et le stress qu’il éprouve l’amènera alors à reprendre la parole en faisant une concession commerciale. (Remarque : cette technique fonctionne également dans le cadre des relations interpersonnelles non commerciales).

Tout l’art consiste à être capable de regarder son interlocuteur dans les yeux, calmement, sans rien dire, et sans sourire, avec un visage neutre. Et si votre interlocuteur est aussi calé que vous en psychologie de la négociation, la seule façon de s’en sortir sera que l’un des deux interlocuteurs fasse un résumé objectif du contenu de l’entretien commercial.

-3- L’ultimatum de l’acheteur : vérifiez en sept points s’il s’agit de bluff ou d’une réalité.

L’ultimatum consiste pour l’acheteur à énoncer une phrase du genre : « Nous n’allons pas pouvoir faire affaire ensemble« . Le vendeur devra alors très vite se poser les questions suivantes :

1. Quel est le niveau de précision de l’ultimatum ?

Le client utilise-t-il des chiffres approximatifs : « Je ne peux pas vous passer plus de 4000 à 5000 euros d’achat » (bluff possible) ou, à l’inverse, des chiffres précis et absolus : « Ca sera 4000 euros et pas un sou de plus« .

2. Quel est le ton employé pour exprimer l’ultimatum ?

L’acheteur énonce très calmement : « Je vous conseille d’accepter ma proposition si vous voulez que nous fassions affaire ensemble » (Ca n’est pas du bluff).

3. Quelle est la formulation utilisée pour l’ultimatum ?

Si des fioritures de langage sont ajoutées, il s’agira souvent de bluff : « Sans exagérer« , « Pour parler sérieusement« , « Franchement« .

4. L’ultimatum passe-t-il « du coq-à-l’âne » ?

Existe-t-il une incohérence entre la dernière proposition formulée par l’acheteur et les propositions immédiatement précédentes ? (Risque de bluff).

5. A quel moment l’ultimatum est-il utilisé ?

Un ultimatum trop rapide est généralement de nature tactique. Dès le démarrage d’un entretien de finalisation, l’acheteur peut lancer : « J’ai relu le contrat. Tout est OK, mais vous êtes trop cher ! Je signe, mais à 70% du prix« . L’attitude à adopter par le vendeur est indiquée dans l’article : « Attitudes gagnantes du vendeur en début et en fin de négociation« .

6. Existe-t-il un enjeu commercial en amont de l’ultimatum ?

L’acheteur peut-il vraiment se permettre de faire capoter la négociation ? (si la réponse est non, il s’agit d’un coup de bluff).

7. L’acheteur qui lance l’ultimatum est-il décisionnaire ?

Les individus qui utilisent la menace ne disposent parfois que de ce type d’outil pour se faire obéir, mais il n’est pas pour autant certain que leur pouvoir de décision soit réel.

 

Dans un contexte de négociation commerciale, le niveau de réussite dépend très souvent du niveau de qualité de la préparation de l’entretien de vente/achat : affûter ses questions, préparer son argumentation, anticiper les possibles objections, et faire preuve en général de qualités d’écoute, d’empathie, mais aussi d’une grande détermination.

Tous droits réservés Dominique Dancoisne. Demandez l’autorisation de l’auteur avant toute reproduction sur Internet ou dans la presse traditionnelle.

 

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